28 octobre 2021

« Un vieillard qui meurt c’est une bibliothèque qui brûle. »

Portrait d'Amadou Hampâté Bâ pris à Paris, le 12 avril 1975, lors de la remise du prix littéraire d'Afrique Noire, pour son livre
Portrait d’Amadou Hampâté Bâ pris à Paris, le 12 avril 1975, lors de la remise du prix littéraire d’Afrique Noire, pour son livre « l’Etrange destin de Wangrin ». © AFP / AFP

Vous avez peut-être déjà entendu ce proverbe qui signifie que toutes les connaissances et les expériences acquise au cours d’une vie disparaisse avec la mort, mais en connaissez-vous l’origine et le sens premier ?

Ce n’est pas, comme on peut souvent lire (ou entendre), un vieux proverbe africain dont l’origine serait vague.  En réalité, cette formulation est inspirée d’un discours Amadou Hampâté Bâ, prononcé pour la onzième conférence générale de l’Unesco, le 1er décembre 1960.

Cet écrivain et ethnologue malien est un fervent défenseur de la tradition orale, notamment peule. Lors de son discours, il demande à ce que la sauvegarde des traditions orales soit estimée aussi importante et urgente que celles des monuments de Nubie. En effet, de 1960 à 1980, les monuments de Nubie d’Aboul Simbel à Philae furent sauvés lors de la construction d’un barrage grâce à une campagne lancée par l’UNESCO[1]. La culture de l’Afrique ne peut se résumer pas à des monuments de pierre et se contenter de leur sauvegarde au nom d’un continent n’est pas suffisant.

Dans son discours, Amadou Hampâté Bâ compare également la conception occidentale de la préservation du savoir, basée sur la conservation des écrits, et la situation de sa région à la tradition orale forte. Il faut se poser la question de la conservation et de la préservation de la parole.

Dans son discours, après avoir félicité le Brésil pour sa résolution tendant à créer un institut de pathologie du livre, il pense à la culture d’une bonne partie de l’humanité, celle qui est analphabète.

Voici l’extrait de son discours dont sera inspiré le dicton :

« Je pense à cette humanité analphabète, il ne saurait être question de livres ni d’archives écrites à sauver des insectes, mais il s’agira d’un gigantesque monument oral à sauver de la destruction par la mort, la mort des traditionalistes qui en sont les seuls dépositaires. Ils sont hélas au déclin de leurs jours. Ils n’ont pas partout préparé une relève normale. En effet, notre sociologie, notre histoire, notre pharmacopée, notre science de la chasse, et de la pêche, notre agriculture, notre science météorologique, tout cela est conservé dans des mémoires d’hommes, d’hommes sujets à la mort et mourant chaque jour. Pour moi, je considère la mort de chacun de ces traditionalistes comme l’incendie d’un fond culturel non exploité. L’Unesco peut présentement, avec quelque argent, combler la lacune. Mais dans quelques décennies, tous les instituts et institutions du monde, avec tout l’or de la terre, ne pourront combler ce qui sera une faille culturelle éternelle imputable à notre inattention. C’est pourquoi, monsieur le Président, au nom de mon pays la république du Mali, et au nom de la science dont vous êtes un éminent représentant et un vaillant défenseur, je demande que la sauvegarde des traditions orales soit considérée comme une opération de nécessité urgente au même titre que la sauvegarde des monuments de Nubie. »

Bien que datant de 1960, ce discours est encore d’actualité. Comment conserver et transmettre le patrimoine immatériel ? Le patrimoine culturel ne peux pas se limiter aux collections de livres, d’objets et aux monuments. C’est en 2003, plus de 40 ans après ce discours, que l’UNESCO a créé une convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel[2].

Via Versions Originales, je vous propose un format qui permet de préserver, conserver et transmettre une voix, une parole, une histoire et des valeurs à travers les ans et les générations.

En écouter plus sur Amadmou Hampâté Bâ : Amadou Hampâté Bâ (1900 – 1991) : l’homme à fables sur France Culture

 

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[2] : La durée peut changer en fonction des options choisies.

[1] : Si vous contactez pour un proche, un second entretien, plus court, sera à prévoir en sa compagnie.