15 décembre 2021

Calendrier de l’Avent – 15

Jock Semple essaie d’arracher le dossard de Kathrine Switzer, par Harry Trask pour le Boston Traveler, 19/04/1967

En 1967, Kathrine Switzer, une jeune étudiante américaine de 20 ans, pratique assidûment la course à pied. Enfin, elle pratique assidûment l’entraînement à la course à pied car à cette époque les femmes ne peuvent pas s’inscrire. En effet, selon le corps médical, l’endurance prolongée pourrait endommager le système utérin et développer la pilosité… Toute course en dehors d’un stade est exclue, pour une distance maximale de 800 mètres.

Dans les années 60, plusieurs coureuses se sont offertes quelques foulées clandestines parmi les hommes. Pour n’en citer qu’une, Roberta Gibb en 1966 s’était cachée dans un buisson jusqu’au coup de feu de départ du Marathon de Boston qu’elle finit en 3h21 sans dossard. Cette performance titille Kathrine, pourquoi pas elle ? Son compagnon, Tom Miller, un ancien footballeur américain espoir national du lancer de marteau, a aussi couru en 1966 et a fini en 3h45. Non seulement les femmes peuvent courir, mais aussi plus vite que les hommes !

L’étudiante tanne son coach, Arnie Briggs, pour qu’il l’entraîne pour cet objectif. Il adore Kathrine mais n’en est pas moins un homme de son époque. Elle lui propose alors un deal qu’il accepte : si elle lui prouve qu’elle peut finir les 42,195km de marathon à l’entraînement, il l’accompagne dans cette démarche. La jeune femme court la distance et ajoute même 5km de plus.
Arnie n’a qu’une parole, il l’aidera à préparer sa course.

Première étape : l’inscription. Kathrine et Arnie vont trouver une faille juridique surprenante. L’interdiction pour les femmes de participer au marathon de Boston est tellement ancrée et évidente qu’elle n’est écrite nulle part. Notre coureuse paie ses 3 dollars de frais, signe le registre de ses initiale « K.V. Switzer » et obtient son dossard, le 261.

Mercredi 19 avril 1967, Kathrine est sur la ligne de départ dans son jogging gris chiné avec sa paire de gants (il pleut et un vent glacial souffle sur Boston). Il n’est pas non plus question de cacher sa féminité, au contraire. Elle court les cheveux lâchés, avec un serre tête, et maquillée. Quand le départ est donné, K. V. Switzer s’élance avec son coach, son petit ami et d’autres coureurs du club. Au bout de 2km, le groupe se fait dépasser par des véhicules de presse avec des photographes qui repèrent rapidement la jeune femme. Si l’ambiance est bon enfant, Will Cloney et Jock Semple, les organisateurs du Marathon, ne l’entendent pas de cette oreille. Quand il comprend ce qu’il se passe, Semple saute du véhicule en marche et se rue vers la marathonienne. Il hurle « Dégage de là, sors de ma course ! », lui agrippe son sweat et tente de lui arracher son dossard.
Tom Miller, à côté de sa compagne, voit toute l’action. Le lanceur de marteau assène un coup d’épaule à l’organisateur qui est projeté dans le décor. La scène est immortalisée par Harry Trask du Boston Traveler.

Secouée par l’agression qui vient de se produire, la course devient difficile pour Kathrine. La jeune femme en pleurs a du mal à se ressaisir et beaucoup de choses se mélangent dans sa tête. Elle continue de courir au milieu d’un groupe silencieux. Et puis, petit à petit, sa peur et le sentiment d’humiliation se transforment en détermination.
Après ce qu’elle venait de vivre, elle ne peut pas renvoyer comme message que les femmes ne peuvent pas finir un marathon, pas maintenant. 
Après le 30ème kilomètre, la coureuse se sent plus légère, trouve un second souffle et boucle sa course en 4h20. Officiellement, elle est la première femme a avoir terminé le marathon de Boston.
Elle sera rapidement disqualifiée par les autorités sportives et longtemps suspendue mais qu’importe, ce n’est pas ce que l’Histoire retiendra.

Pour en entendre plus au sujet de Kathrine, je vous recommande le podcast Une histoire particulière de France Culture et Il était une femme de France Inter.

Et pour lire les mots de Kathrine sur cette journée, vous pouvez vous rendre directement sur son site.

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