Frane Selak est surnommé l’homme le plus chanceux du monde parce que même s’il se trouve toujours au mauvais endroit au mauvais moment, il s’en sort indemne. On ne parlera pas de ses six mariages qui sont presque un détail de son histoire, mais de toutes les fois où il a échappé à une mort quasi certaine.
En 1958, Frane est un professeur de musique de 29 ans amené à beaucoup voyager. Alors qu’il est dans le train Sarajevo–Dubrovnik, un énorme rocher tombe sur les rails à cause du mauvais temps. Le train déraille et tombe dans les flots froids du fleuve Neretva. Alors que l’eau s’engouffre dans les wagons, Frane brise une vitre et s’extirpe de son compartiment entrainant avec lui une grand-mère jusqu’à la surface. 17 personnes sont mortes dans l’accident, le professeur de musique n’a eu qu’un bras cassé et une hypothermie.
En 1963, alors que le vol Zagreb–Rijeka est complet, Selak réussit à s’y faire admettre in-extremis pour visiter sa mère malade. Il est installé à l’arrière de l’avion à côté de l’hôtesse Rozika. La destination se rapproche, le passager et l’hôtesse discutent debout à l’arrière de l’avion quand un bruit sourd retentit. L’appareil a heurté une montagne et près de 20 personnes périssent dans ce crash.
Sans leur ceinture, Rozika et Frane ont été happés hors de la carlingue par la sortie de secours alors que l’appareil est à 800m d’altitude. L’hôtesse atterrit dans un sapin et Frane dans une botte de foin : pas de fracture, pas de blessure grave. Selak n’a plus jamais pris l’avion.
En 1970, c’est sa Lada qui lui joue des tours. Alors qu’il conduit, sa voiture prend feu. Notre chauffeur parvient à s’échapper avant que le réservoir n’explose. Trois ans plus tard, un autre trajet automobile tourne mal. Alors qu’il est sur une route sinueuse, une pompe à carburant défectueuse fait fuir de l’huile chaude dans le moteur. Des flammes jaillissent par les bouches d’aération du véhicule. Seuls les cheveux de Selak ont brûlé.
Mais même piéton la vie n’est pas tendre avec Frane. En 1995 il est heurté par un bus à Zagreb et s’en sort avec quelques blessures mineures.
L’année suivante, c’est un camion de l’ONU qui a failli le percuter alors qu’il roule en montagne. En voulant éviter la collision, Frane donne un coup de volant et fonce vers le garde-corps. La clôture cède, sa voiture tombe dans le ravin une centaine de mètres plus bas. Depuis son accident d’avion, Selak ne porte pas de ceinture de sécurité. Au moment de la chute vertigineuse de son automobile, il saute par la fenêtre, s’accroche à un arbre et voit son véhicule dégringoler.
Si c’est le dernier accident quasi-fatal que Frane Selak vit, ce n’est pas le dernier événement qui fait de lui l’homme le plus chanceux du monde.
Quelques jours après ses 73 ans, Frane joue à la loterie et gagne près de 850 000€. Il s’offre une maison et une chapelle pour remercier le ciel de toutes ces secondes chances qui lui ont été offertes. Le reste ? Il l’a donné, offert, prêté… Il a acheté 25 voitures pour des amis, des proches, des connaissances, mais aussi des vaches et des meubles pour des « gens » ou même des instruments pour des orchestres entiers.
Frane est mort à 86 ans. De son vivant, il n’a jamais cru être chanceux d’avoir échappé à la mort, il disait qu’il était surtout malchanceux d’être dans tous ces accidents.