8 décembre 2021

Calendrier de l’Avent – 8

Photo scolaire de Jennifer et June Gibbons
Photo scolaire de Jennifer et June Gibbons

June et Jennifer Gibbons sont jumelles. Nées 1963, elles grandissent au Pays de Galle entourées de leurs parents, d’origines de la Barbade, et de trois autres frères et sœurs.

Très tôt, leur maman remarque leurs difficultés d’élocution, et au fil des ans, leur façon de s’exprimer ne se développe pas normalement. Seule leur famille proche les comprend. Lorsque les filles ont 8 ans, le quotidien dans leur nouvelle école est compliqué. Elles sont mises à l’écart et moquées pour leur façon de s’exprimer et leur couleur de peau. Alors deux sœurs passent un pacte entre elles et cessent de parler tant qu’elles ne sont pas seules, dans leur chambre et dans un langage qu’elles ont inventé. Personne, pas même leurs parents, ne comprend ce qu’elles se disent.

En 1976 un médecin scolaire est troublé par l’attitude des deux jeunes filles. Au moment d’être vaccinées, ni l’une ni l’autre ne réagissent, elles semblent être « comme des poupées ». Il contacte alors des spécialistes pour essayer de mieux comprendre June et Jennifer. Si les adolescentes ne répondent pas à leur sollicitation, une orthophoniste parvient à enregistrer un de leurs échanges. Elle découvre que leur langage mystérieux est en fait un mélange d’argot barbadien et d’anglais prononcé très rapidement.
Et devant l’échec de les ouvrir au monde qui les entoure, les spécialistes proposent la séparation des deux sœurs, chacune dans un internat différent. Ils espèrent les pousser à parler et à développer leur propre personnalité.

L’expérience est un nouvel échec, les jumelles fusionnelles deviennent catatoniques.

June et Jennifer quittent l’école pour toujours et se retrouvent chez elles, dans leur chambre, qu’elles ne quittent plus, pas même pour les repas. Elles ne parlent qu’à leur petite sœur et quand elles doivent s’adresser aux autres, c’est par petits mots laissés sur leur porte.

Si elles communiquent très peu, elles ne manquent pas d’imagination. Entre les quatre murs de leur chambre, elles inventent des jeux complexes avec des poupées et tiennent un journal très précis de leur quotidien.
Plus tard, les jumelles mettent leur argent en commun pour s’inscrire à un cours à distance d’écriture créative, persuadées d’entamer rapidement une carrière d’auteures à succès.
Toutes leurs publications sont auto-éditées et toutes les demandes à des magazines sont refusées. Il s’agit d’histoires se déroulant à Malibu, loin de leur Pays de Galle, mettant en scène des jeunes gens s’adonnant à d’étranges activités criminelles.

Après ces déceptions littéraires, ne trouvant pas leur place dans le monde, les jeunes femmes s’ennuient et découvrent la drogue, l’alcool et les excès. Elles commettent des vols, des effractions et s’essaient aux cocktails Molotov… Le 8 novembre 1981, à deux doigts de commettre un incendie, elles sont arrêtées et leur chambre perquisitionnée.
Deux jours plus tard elles sont envoyées en centre de détention pour sept mois avant d’être placées en hôpital psychiatrique où elles resteront près de 10 ans.

Quand June et Jennifer sortent en 1993, c’est pour se rendre dans un centre à la sécurité moins élevée. Mais malheureusement, moins de douze heures après leur transfert, Jennifer meurt d’une myocardite aigüe.
June a été libérée un an après la disparition de sa sœur et a peu à peu réintégré la société. Aujourd’hui, elle suit un traitement quotidien et est parfaitement capable de s’exprimer et de vivre en toute autonomie.

L’histoire des deux sœurs a fait couler beaucoup d’encre, a été réinterprétée comme une histoire mystérieuse à se raconter dans le noir, et la conclusion parfaite serait que les jeunes filles étaient tellement fusionnelles qu’il fallait que l’une meurt pour libérer l’autre… Mais ces versions n’évoquent que peu, ou pas, leur enfance et la violence à laquelle elles ont du faire face.
À l’école, elles ont connu les moqueries et le racisme dans l’indifférence du corps enseignant, elles ont été séparées de force alors qu’elles se sont construites à deux et leur internement a été très long, trop long, nuisant à leur développement ainsi à leur santé physique et mentale.

Je vous recommande chaudement la lecture de l’article de Hilton Als pour le New Yorker qui apporte vraiment les éléments nécessaires à la compréhension de cette histoire et son contexte. Le journaliste retrace les faits et part à la rencontre de Jennifer (et si vous ne parlez pas anglais, n’hésitez pas à passer par Google Traduction, ça en vaut vraiment la peine). 

[3] : Étant la réalisatrice et bénéficiaire des droits d’auteurs de ces œuvres, si vous souhaitez le diffuser plus largement, vous avez l’obligation de me contacter pour avoir l’autorisation légale.

Cependant, pour en diffuser des extraits, ou l’intégralité, sur vos réseaux sociaux, c’est très simple : il vous suffira de mentionner « Versions Originales » avec un lien renvoyant sur le site versionsoriginales.net ou sur les comptes Facebook @versionsoriginales.net ou Instagram @versionsoriginales

[2] : La durée peut changer en fonction des options choisies.

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